Shimla / Du 10 au 13 mai 2018

Nous quittons l’étouffante Delhi, impatients de prendre de la hauteur et de retrouver un air à peu près respirable. Fraîcheur et pureté, c’est ce que nous recherchons. La pureté comme on se l’imaginait ne sera pas pour tout de suite, mais nous perdons tout de même quelques degrés, ce qui nous est extrêmement appréciable.

De Delhi et nos dernières heures passées dans le tumulte de la gare, nous sommes comme propulsés dans une toute autre Inde. Le trajet en « toy train » qui nous mène des contreforts de l’Himalaya à plus de 2000m d’altitude est de toute beauté. Les minuscules gares à l’architecture coloniale révèlent un charme désuet, contrastant avec la végétation luxuriante de la jungle indienne et le comportement hystérique des singes moqueurs qui la peuplent.

Arrivés à Shimla, nous posons nos affaires dans l’hôtel le moins cher de la ville. Notre « chambre » n’étant qu’un demi-étage sans porte, nos lits sont alors à la vue de tous. Nous serons rejoints le lendemain par Eelke, un cycliste néerlandais, qui occupera le troisième lit de notre open-space.

Arvind, le gérant de notre hôtel, est Sikh. Et comme tous les sikhs (ou presque), il arbore ce port de tête altier, rehaussé d’autant plus par le turban qui permet aisément de les identifier. J’aime bien les sikhs. Ce sont des gens qui m’ont toujours inspiré de la sympathie. D’un naturel curieux mais de façon beaucoup moins envahissante que la plupart des indiens, ils ont la conversation facile et s’intéressent mais sans insistance. Ce sont pour la plupart des gens cultivés, qui sont réputés excellents commerçants. Arvind ne fait pas défaut à la communauté à laquelle il appartient. Nous aurons avec lui des discussions fort animées, au sujet de sa religion, et sur notre voyage bien évidemment. Il a cependant l’alcool facile et ne s’en cache pas, et nous partagerons quelques verres avec lui et Eelke, le soir sur la terrasse de l’hôtel.

Je n’étais jamais allée à Shimla, et nous avons eu pour cette ancienne capitale d’été de l’empire britannique un gros coup de cœur. C’est une ville très touristique pour les indiens, tandis que les voyageurs étrangers la délaissent pour Manali. La ville est construite comme à la verticale, à flanc de montagne, pour finalement atteindre, via un dédale de ruelles et d’escaliers sinueux, la place principale située au sommet de la crête. Cette partie centrale de la ville est souvent bondée, mais il reste cependant très agréable de s’y promener puisque toute cette zone est exclusivement piétonne. Pas de voiture, ni même de moto ou de rickshaw, puisque les marches pour y accéder empêchent l’accès à tout véhicule motorisé.

Nous sommes tombés sous le charme de la trépidante Shimla et de son bazaar bruyant et coloré. Nous y avons trouvé également une cuisine excellente, vraiment différente de celle d’Inde du Sud, mais aussi des autres régions de l’Inde du Nord. Ici les dahls (préparation à base de légumineuses, la plupart du temps des lentilles) sont cuisinés à base de haricots rouges pour mon plus grand plaisir, et les pains fourrés locaux (parathas), sont généreusement tartinés de beurre, fondant au contact de la pâte chaude du pain tout juste poêlé. Nous commençons aussi à retrouver les momos, sortes de gros ravioles vapeurs ou frits, garnis soit à la viande, soit végétariens (on a toujours le choix à ce sujet en Inde, ce qui est vraiment appréciable), nourriture qui se retrouve beaucoup chez les bouddhistes tibétains et dans les pays montagneux d’Asie. Et puis nous tombons sur ce restaurant tout mignon et chaleureux, où nous goûtons des saveurs vraiment différentes et originales. Les plats servis sont issus de recettes traditionnelles et anciennes de l’Himachal Pradesh, que l’on ne servait à une époque que lors d’événements importants tels que les mariages. J’ignore si ces mets sont encore préparés par les Himachalis de nos jours, mais ce mélange de saveurs était absolument délicieux et nouveaux pour nos papilles d’européens.

Tout de suite le courant passe avec Eelke, notre voisin de chambre dont je parlais précédemment. Nous faisons plus ample connaissance autour de quelques bières, et j'apprends que lui aussi joue du clavecin ! De séjour en Inde dans le cadre d'un programme d'échange avec son université où il enseigne dans les domaines de l'anthropologie et de la santé publique, notre nouvel ami a démarré son voyage à vélo de Delhi, et prévoit de rouler jusqu’au Ladakh, puis éventuellement de passer par la Vallée de la Spiti sur le retour, selon le temps qu’il lui restera. Ensemble nous arpentons le labyrinthe de la ville, nous imprégnant de l’ambiance, et profitant des excellents restaurants et des quelques bars. Prenant la même direction pour la prochaine centaine de kilomètres, nous décidons donc de partager un bout de route ensemble. Départ prévu ce dimanche, après 3 jours passés ici.


De Shimla à Matiala / dimanche 13 mai

Nous quittons Shimla après un copieux petit-déjeuner de délicieux momos végétariens. Les ruelles de la vieille ville sont désertes, et la plupart des commerces et restaurants font portes closes. Espérons que ce calme se retrouve sur la route !

Mais nous déchantons bien vite. Toute la foule qui d’habitude se bouscule sur les pavés de Shimla, a décidé de prendre la voiture pour se rendre à Narkanda, l’une des belles stations d’altitude de la région, qui se trouve comme par hasard sur notre route. La sortie de la ville et l’ascension du premier col qui aurait pu être une partie de plaisir tant la nature est belle, se transforme vite en un cauchemar de klaxons et de gaz d’échappement... Nous avons finalement mal choisi notre jour !

Puis, passés de l’autre côté de la montagne, alors que la trafic diminue à notre grand soulagement, la pluie quant à elle fait son arrivée. La température change également. Partis en t-shirts de Shimla, nous enfilons vite nos vêtements de pluie et coupe-vent. Même si la pluie se calme et finit par s’interrompre, l’atmosphère reste humide et froide, et il semble difficile dans les environs de trouver un replat où planter la tente. La région est très visitée par les touristes indiens qui ont de l’argent, et les prix des hébergements s’en ressentent largement. Après une première tentative infructueuse pour planter la tente sous la partie abritée du jardin d’un petit resort, nous trouvons finalement un hôtel miteux au premier prix exorbitant, que nous diminuons de moitié en moins de deux minutes de négociations. Malgré l’insalubrité des lieux, la cuisine est néanmoins excellente. Et il est, comme souvent en Inde, possible de se resservir. Quel réconfort après cette journée épuisante !


De Matiala à Tapri / Du 14 au 17 mai

Aujourd’hui, soleil. La route est belle, en bon état, et la vue est dégagée sur les montagnes que nous ne pouvions à peine deviner la veille, tant la brume avait envahi la vallée et ses hauteurs. Le trafic a nettement diminué, Shimla étant loin derrière nous maintenant. Après une ascension progressive et douce jusqu’au prochain col, nous entamons une descente vertigineuse de plus de 40 km, qui nous emmène près de 2000 mètres plus bas. Les muscles se relâchent, tandis que les plaquettes de freins chauffent. Le museau au vent, nous nous délectons de la chute. Puis vient le temps de la séparation. Au pied du col, nous souhaitons au revoir à Eelke, avec qui nous aurions bien roulé plus longtemps, mais qui pour se rendre au Ladakh doit prendre la direction du nord, tandis que nous partons plein est.

Nous passerons les prochains jours à pédaler dans la Vallée du Kinnaur. Alors que nous venons de redescendre d’un palier conséquent, la végétation se raréfie sur les flancs de montagnes abruptes, où la roche prédomine.

La vallée se resserre, pour finalement devenir gorge. La rivière en contrebas gronde de ses eaux argileuses, et plus nous avançons, plus la route est vertigineuse, très abimée par endroits, des éboulements ayant régulièrement lieu, notamment pendant la saison des pluies. De l’autre côté de la route nous pouvons observer des habitations isolées, perchées sur des éperons rocheux, ou parfois même à flanc de pentes très raides, reliées entre elles et au chemin principal par des sillons tracés par des animaux et des humains à pieds. Là-bas, impossible d’emmener le moindre véhicule, la marche même semblant risquée tant le passage paraît étroit et abrupte. Mais comment des gens ont-ils pu avoir l’idée d’aller un jour s’installer là-bas ? Nous sommes toujours fascinés par ces habitats de l’extrême.

Nous passerons deux nuits à Jeori, ce qui nous permettra de faire un jour de pause et de visiter le Temple de Sarahan. Dédié à la déesse hindoue Bhima Kali, divinité patronne de la famille royale du Bushahr, le lieu présente une architecture toute particulière, typique de la région. Un assemblage de bois et de pierre, une tour ornée de toitures pointues en ardoises épaisses, et une base plus étroite que les étages, donnant à la structure des allures de pièce montée à l’envers. L’architecture dans son ensemble pourrait presque nous rappeler certaines constructions chinoises, certainement du fait de l'influence bouddhiste de la construction. Selon la légende, le temple serait l’un des 51 Shakti Peethas, et l'on dit qu’une des oreilles de Sati, parèdre du dieu Shiva, est tombée ici.

La montée en bus de Jeori jusqu’à Sarahan s’avère musclée. La route principale est en travaux, et nous empruntons un itinéraire secondaire aux virages très serrés. Le bus est bondé, et une jeune écolière s’asseoie sur mes genoux, car même debout il est difficile de se frayer une place. Je prie pour que les freins ne lâchent pas ! Nous passons la journée à visiter le village et ses environs, et finissons par le temple. Les gens de la région sont fort sympathiques, et enclins à la conversation. Nous décidons de rentrer à Jeori à pieds par des chemins de traverse, et nous faisons accompagner par une troupe d’écoliers. Nous sommes également invités à boire le thé, et même à rester pour la nuit. Nous nous excusons mais toutes nos affaires sont à l’hôtel, que nous avons déjà payé, ce qui déçoit notre hôte. On se sent bien ici, les habitants de la région sont accueillants, la nature est belle, et nous nous sentons revigorés d’avoir retrouvé la montagne.

Un bémol pourtant. La géographie des lieux nous donne les plus grandes difficultés à trouver des coins pour bivouaquer. La vallée est étroite comme une gorge, les montagnes sont très escarpées, et la route à flanc donne sur des falaises abruptes tombant à pic plusieurs centaines de mètres plus bas, au niveau d’une rivière énervée. Difficile de poser la tente dans de pareilles conditions. Heureusement les hébergements ne sont vraiment pas chers en Inde, et nous trouvons tous les soirs des petites chambres charmantes pour presque trois fois rien.


La Vallée de la Sangla / du 18 au 22 mai

J'avais découvert l'existence de cette vallée adjacente à la rivière Sutletj que nous suivions depuis notre séparation d'avec Eelke, dans un Lonely Planet que j'avais furtivement feuilleté chez Adélie et Nishi, à Delhi. Le célèbre guide de voyage n'était pas avare en superlatifs dans sa description de l'endroit, allant même jusqu'à avancer qu'elle était très certainement la plus belle de tout l'Himalaya ! La route qui longe la rivière Baspa, en passant par les villages de Sangla avant d'atteindre Chitkul, dernier bastion indien avant la frontière tibétaine, bien entendu inaccessible et précieusement gardée par l'armée, est en effet époustouflante.

La première partie est peut-être l'une des routes les plus dangereuses que nous n'ayons jamais empruntée, car étroite à flanc de roches surplombant un vide vertigineux et abrupte de plusieurs centaines de mètres. Ici, la chute est fatale. L'ascension est progressive mais longue et harassante, car nous perdons en oxygène à mesure que nous avançons. En effet de 1700 mètres, nous nous élevons à 3500 mètres en seulement deux journées. Le premier soir, nous faisons halte à Sangla, épuisés par les émotions de la journée. Après avoir visité le vieux temple, superbe, nous cherchons où poser la tente, et demandons à un instituteur qui entraîne ses élèves à la boxe française s'il nous est possible de trouver une petite place dans l'enceinte de l'école. Les élèves curieuses jouent leurs timides, et je suis ravie de voir ces petites indiennes aux cheveux coupés à la garçonne, car oui ce sont des filles qu'il entraîne, se défouler dans ce sport intense. Leur équipe a déjà gagné plusieurs championnats, dont une qui était déjà allée jusqu'en Europe. Nous nous installons sous un préau, et passons une nuit certes froide, mais reposante pour le corps. Nous sommes bien entendu réveillés aux aurores par les élèves venues nous épier, les yeux pleins de malice, et accueillis par une vue sublime sur le Kinner Kailash qui domine à 6660 mètres d'altitude.

La deuxième moitié de la route qui mène à Chitkul est plus sécurisante, mais pas moins difficile. Nous progressons dans un paysage alpin, où nous pourrions presque nous croire en Suisse, au milieu des conifères. Mais l'état de la route et la population croisée nous rappellent que nous sommes bel et bien en Inde. L'arrivée sur Chitkul est grandiose. La vallée s'élargit pour dévoiler des cultures en terrasses, la rivière Baspa d'un bleu laiteux et turquoise, apaisée dans cette partie relativement plane de la vallée, avec en toile de fond, se découpant dans un ciel bleu pur, des sommets enneigés à plus de 6400m, derniers remparts avant le Tibet tout proche.

Nous passerons plusieurs jours à Chitkul, village pittoresque à l'architecture traditionnelle nous plongeant plusieurs siècles en arrière. Dressé au cœur du village, trône le temple de la déesse Mathi, vieux de 500 ans. La beauté sauvage de la région nous interpelle, mais impossible d'aller au-delà de courtes marches aux alentours. Je ressens en effet pour la première fois les effets de l'altitude, et me réveille régulièrement en pleine nuit, cherchant mon souffle. Le repos est alors de rigueur, mais les nuits sont très froides, même dans l'auberge. Une soupe à l'ail me requinquera cependant, grâce à ses vertus contre le mal des montagnes.

Mais je crains la route du retour, surtout la portion allant de Sangla jusqu'à l'intersection avec la vallée de la Sutletj. Nous décidons, pour préserver nos forces, de passer à nouveau une nuit à Sangla. Nous en profitons pour visiter le fort de Chamru, accessible par une petite ascension pédestre au cœur du hameau, construit sur le flanc de la montagne. Mais le lendemain, je me réveille angoissée, à l'idée de cette route vertigineuse. Finalement tout se passera bien, mais je garderai des crampes aux mains pendant quelques jours, pour avoir quelque peu forcé sur les freins !


Reckong Peo et Kalpa / Du 22 au 24 mai

Nous devons nous procurer un permis spécial à demander au bureau de la police frontalière de Reckong Peo. Après la descente vertigineuse de la matinée et son lot d'émotions, nous devons dans l'après-midi quitter la route principale pour nous farcir une montée pas très réjouissante, très empruntée par les camions qui doivent eux aussi faire la demande de permis pour traverser la région de la Spiti. Entre la formalité administrative et la visite de Kalpa, superbe petit village mais dont le potentiel de sérénité est fortement altéré par l'afflux important de touristes et de tous les genres de commerces qui vont avec, nous ne nous attarderons pas, car la Spiti et ses merveilles nous appellent.


En route pour Nako / Du 24 au 26 mai

Lentement, nous prenons de plus en plus d'altitude. Et plus nous nous élevons, plus la végétation disparaît. Aussi, l'état de l'asphalte se dégrade progressivement pour finalement devenir piste, heureusement en bon état. Chaque chemin qui s'écarte de la NH5 pour s'enfoncer dans des vallées mystérieuses nous interpelle, nous attire. Mais nous tenons le cap, le permis récupéré à Reckong Peo ne nous laissant que quelques jours pour traverser la zone frontalière avec le Tibet, qui s'étend du nord du Kinnaur à Tabo, dans la Vallée de la Spiti. La lecture d'une carte routière nous apprend effectivement que ce passage frôle la frontière au plus près, et que nombreuses sont les montagnes autour de nous déjà bien implantées en territoire tibétain.

Nous évoluons dans un monde minéral. La roche domine, et la caillasse ricoche sous nos pneus crantés. À quelques centaines de mètres avant le poste militaire où nous nous devons de montrer patte blanche grâce au précieux permis, nous nous arrêtons déjeuner dans une baraque convoitée par les routiers. Nous dévorons littéralement notre déjeuner double portion, sous les yeux hallucinés d'une jeune couple et leur amie de Delhi, qui sont eux en scooter de ville. Je plains l'état de la machine à la fin de leur road trip !

Passé le poste « frontière », nous avons le sentiment d'entrer dans un autre monde, encore plus isolé et sauvage. Distants d'une dizaine de mètres, quelques gros cailloux dévalent la roche pour venir s'écraser entre nous deux, comme pour nous rappeler que nous sommes peu de choses face à la puissance et l'immensité des montagnes himalayennes. Ici, le casque est de mise.

Pour cette nuit en zone « surveillée », nous hésitons à nous prendre une chambre au village de Spillow. Sauf que les prix proposés sont bien au-delà de ce que nous attendions d'un bled paumé de cet acabit. Dépités, nous continuons notre route, mais la vallée se resserrant de plus en plus, nous hésitons à rebrousser chemin quand nous finissons par tomber sur un temple minuscule encastré à même la montagne, où nous décidons de demander l'hospitalité. Les deux gardiens ne parlent que très peu anglais, mais sont bien heureux de nous aider. Impossible de dormir dans l'enceinte même du temple car il faut en préserver la pureté, mais une cabane de chantier à quelques mètres de là fera très bien l'affaire. Le lieu est incongru, entre l'autel et ses idoles tapis sous un promontoire rocheux, les deux pièces minuscules où sont logés Shyoram et Gangaram, et enfin cette cabane de chantier de la Border Road Organisation – « Bro » - dans laquelle nous avons installé notre campement. Shyoram nous explique que le temple a été construit ici pour protéger la route et ses usagers des dangers de la montagne, les éboulements et glissements de terrain étant très fréquents dans la région ! Om Nama Shiva... Une petite offrande et toutes nos craintes s'évanouissent : la Divinité Suprême de la Trimurti veille sur nous. Nos hôtes nous invitent à partager leur repas, et nous passons une belle soirée en leur bienveillante compagnie. La nuit sera quant à elle un peu plus mouvementée, entre la poussière soulevée par les quelques véhicules passants qui vient s'immiscer dans les moindres trous de la tôle ondulée de notre abri de fortune, et une famille de petits rongeurs aux cris stridents à l'affût de restes d'un hypothétique repas.

"If you can dream it, you can do it". L'ascension jusque Nako nous attend : 1300 mètres de dénivelé positif, nous faisant passer à plus de 3600m d'altitude. Nous décidons de faire la route en deux fois. Le souffle court, l'effort est double. Notre objectif pour cette première journée, le village de Ka, à un peu plus de 40 km. La grimpette est sérieusement raide, dès que l'on s'engouffre dans l'encaissement créé par la rencontre de la rivière Sutletj avec la Spiti, tant attendue. La configuration des lieux, goulot géologique, nous aspire et nous repousse dans un vent tourbillonnant, qui faillit me renverser à plusieurs reprises. Impressionnée, je me colle à la paroi, à contresens. Ce n'est pas le trafic qui va me gêner. Puis, quelques centaines de mètres plus loin, le paysage se dégage, et la route s'élargit à mesure que nous nous élevons. Le revêtement redevient lisse, et les lacets nous emmènent, filant à vitesse d'escargot jusque le petit oasis de Ka, où une lumière superbe de fin de journée nous accueille. Nous trouvons refuge sur le toit-terrasse d'une épicerie-restaurant, où des vacanciers de Delhi (décidément ils sont légion ici) nous offrent un délicieux dahl faisant office d'en-cas pour récompense des efforts de la montée vertigineuse. Puis le soir, nous goûtons l'alcool blanc local avec des camionneurs qui fument leur cigarette de hashish indien. Notre hôtel aux milliards d'étoiles nous offre une vue splendide sur les sommets aux alentours dès le petit jour.

Ka, 2920 m d'altitude. Objectif Nako, 18km, 3620 m. La journée est belle, pas de vent, vue dégagée, trafic quasi nul. Parfait pour une ascension. La route redevient piste par endroits, et serpente à flanc de montagne. 2 pauses déjeuner seront nécessaires pour satisfaire nos besoins en énergie. Une première à mi-chemin, et une dernière au pied du village, impossible d'avancer plus loin, l'appel du dahl est plus fort que tout !


Nako / Du 26 au 28 mai

Nous passons deux nuits réconfortantes dans ce village pittoresque et touristique. L'habitat change, nous avons quitté l'architecture sophistiquée bois et ardoises du Kinnaur pour un style plus fonctionnel et basique, en terre et paille. Aussi dans la chambre, nous retrouvons les mêmes couvertures épaisses qu'à Chiitkul, celles que j'avais prises pour des matelas tellement elles sont épaisses et lourdes. Passés 3000m les nuits sont rudes, même en été. Notre auberge ne paye pas de mine, il fait un froid de canard dans la salle de douche où il n'y a pas d'eau chaude, mais la cuisine est excellente. Nous nous goinfrons de momos et de yaourts maison, de thé au beurre et de tsampa au petit-déjeuner. Malgré les efforts fournis dans les montagnes, ici nous ne perdons pas de poids, et avons même tendance à en reprendre ! Nous arpentons à pieds les environs proches du village, pour nous habituer de nouveau à l'altitude. Les vues sur les pics alentours sont époustouflantes, et les moulins à prières des gompas nous rappellent le Tibet si proche, mais si inaccessible...